Une feuille jaunâtre

Au moment de prendre le vieux livre de cuisine de ma mère, une feuille jaunâtre et un peu déchirée tombe à terre.


Je me penche pour la ramasser et je reconnais cette écriture, petite, ronde, hésitante. Les mots ne sont pas construits avec les bonnes lettres, à travers de ses fautes je reconnais sa fierté d’avoir appris à écrire sans avoir pu assister à l’école.

Je revois sa silhouette épaisse courbée sur la table de la cuisine, en pleine concentration, ses yeux pétillants d’allégresse vivant sa passion pour la cuisine.

J’arrive à peine à lire les ingrédients qui composent la recette. Je me revois lui demandant : « Maman, pour ce plat tu mets combien de grammes ? Combien de temps au four? Comment tu sais que c’est prêt ?" Sa réponse toujours la même : « Tu sais je fais au ressenti, c’est l’odeur et la texture qui me guident." C’était tellement frustrant !

Ce bout de papier jauni par le temps, me transporte à ces souvenirs, ces moments de partage de confidences, ces plats cuisinés avec passion au goût unique, toujours à l’affût d’une recette et déjà des idées pour l’améliorer, sa créativité débordante, son bonheur.  Je lui disais qu’elle avait un ingrédient magique.  Je remets ce bout de papier jauni religieusement entre les pages du livre.  

Maman, je me retourne et je vois mon fils avec le livre, je pourrais récupérer le livre de recettes de la abuelita ? Alors je lui ai dit de bien en prendre soin car il est précieux avec ce bout de papier qui niche entre ses pages. 

Cristobalina