Miroir (Christobaldina)
Je me propose d’écrire un texte sur un miroir mais rien ne vient, mon imagination ne me parle pas. Pas un mot, une image, un début d’idée qui pourrait m'entraîner à imaginer une histoire, j’ai écrit quelques lignes que j’ai ensuite effacées.
Je me sens triste de me voir refuser la rentrée dans mon cadre créateur, cette énergie que toujours me fait sentir si bien, c’est dans cet état que je ressens se diluer mes sentiments, mes pensées et mes émotions.
Un souvenir est apparu, à l’internat un jour après la douche, j’attardais mon regard en me coiffant, je me souriais devant le miroir, une sœur est apparue derrière mon dos, tu sais que la coquetterie est péché, m’a telle dit, ce sont des phrases que restent gravés à vie, un ressenti qui laisse une sensation de malaise, sensation qui surgit même au moment que j’aperçois mon image plus ou moins nette en passant devant une vitrine.
Je reste planté devant ma feuille, j’insiste, finalement, j’installe un miroir devant moi, avec le désir de provoquer un émoi, un éclat, la recherche de quelque chose de moi qui va apparaître dans autre chose. Je pars à la rencontre de mon reflet et cela réveille en moi des mauvaises sensations.
Miroir aux alouettes : attiré par notre reflet, séduit par notre image, un traquenard subtil qui nous rassure, ce reflet dans cette paroi lisse, cette image est lié à mon moi. Dans le reflet, je vis une femme au regard éteint et aux lèvres pales.
Je me vois encore avec des traits tirés, un regard apeuré qui dit : que m’arrive-t-il ? Pourquoi moi ? J’ai mis ma vie entre parenthèses, j’ai vécu entre larmes, incrédulité, incompréhension, je suis une lutteuse qui n’ose pas se regarder dans un miroir.
Reflets dans les regards des autres, qu’avec bienveillance te disent : « mais tu es très bien » comme si je devais avoir une mine épouvantable pour avoir le droit d’être malade, et tu souris, à quoi bon !
Je suis devenue cette image qui est restée collée à mes rétines, ma peau fragilisée, mes cheveux de paille, mon teint gris, mon corps décharné. Je me suis senti comme un oiseau à qui on aurait ôté les couleurs.
Mon corps récupère de la lutte contre la maladie et c’est magique ! Reste le souvenir de souffrances qui arrêtent net l’élan pour ne pas oublier, reste exposé cette fragilité du corps, cette nervosité à peine cachée, cette image brisée.
Je me tourne vers l’écriture, écrire une urgence intérieure, une nécessité. Je cherche à guérir, à me consoler. Par l’écriture je peux dire absolument tout ce que je veux, je ne suis pas obligé de faire plaisir, ni crainte de peiner qui que ce soit. Je peux me laisser aller à cultiver mes chagrins, à réouvrir mes cicatrices, remuer les souvenirs, raviver les vieux sanglots.
J’ai aussi compris qu'il me suffit d’être là, de me laisser happer par le présent, voir le monde en moi et autour de moi. Expérimenter cette attention aiguë au présent et faire une expérience purement intérieure en lien avec ce corps qui me rend vulnérable, et que souvent j’ai porté comme un fardeau, qui m'empêchait de vivre la vie que je voulais. Finalement exister ; c’est à la fois sortir de soi et de chez soi.
Dans le reflet, je capte mon regard, je me faufile dans cette petite porte qui s’est entre ouverte jusqu’à mon âme meurtrie, la lumière de mes pupilles m’incite à laisser derrière moi, ces gestes de complaisance, ce sourire navré, je sais que je vis avec des échéances, mais plus entre parenthèses "