La machine à café (Christobaldina)
Bonjour, je me présente, je suis un distributeur de boissons chaudes, je suis une sorte d’armoire relookée avec de grandes photos très colorées collées de chaque côté de mes parois montrant des gens heureux et souriants. J’imagine que prendre le temps de s’arrêter boire une boisson chaude rend de bonne humeur.
Je porte aussi dans mon front et en grandes lettres le nom du café que je distribue et en plus petit, le numéro de téléphone du technicien qui viendra me désengorger si un pépin quelconque venait à arriver.
Je ne suis pas une machine dernière génération, je ne peux pas accepter des cartes de crédit, je ne vous parle pas en vous guidant pas à pas dans vos choix. Tout simplement je possède une petite fente et moyennant un prix modique je vous prépare des petits ou des cafés allongés, avec ou sans sucre, avec ou sans lait, un chocolat bien mousseux et même un petit bouillon en cas ou vous vous sentirez barbouillé.
Pour cela, il vous suffit d’introduire une pièce, appuyer sur le bouton qui accompagne la petite image de la boisson choisie et attendre tranquillement. Pendant qu’à mon intérieur, je calcule, je fais descendre le gobelet bien rempli et chaud et la touillette en plastique, et oui, l’ère du recyclage n’est pas encore d’actualité dans mon temps.
J’ai aussi un petit écran qui affiche quelques phrases enregistrées : « Bonjour », « c’est prêt », « Bonne dégustation », et dès que je sens que le gobelet n’est plus accroché à mes pinces, je rends la monnaie si nécessaire.
Installé généralement au sous-sol, à côté des ascenseurs, au fond d’un couloir et de l’économat, un petit local a été spécialement créé pour moi.
Une paroi vitrée est censée inonder de lumière cet espace, mais quelqu’un a eu la merveilleuse idée d’installer des stores intelligents avec des capteurs et au plus petit coup de vent, les rideaux descendent et je suis plongé dans la pénombre.
Dans ce petit local simple, je suis accompagné d’une table rectangulaire et de quelques chaises dépareillées. Les murs sont vides et la plupart du temps règne le silence seulement rompu par l’ouverture et fermeture des portes des ascenseurs et le bruit des roulettes du chariot poussé par le type de l’économat.
J’aurais plutôt aimé être installé au premier étage, là-bas, c’est vraiment la classe ! Il y a trois machines comme moi, adossées à un faux mur, avec vue sur des champs aux couleurs qui changent au gré des saisons. Elles sont entourées de jolis fauteuils et de mignonnes tables basses. Des belles lampes qui projettent de douces lumières et des grands bacs ou une belle composition de plantes vertes remplissent l’espace.
Finalement, rares sont les visiteurs qui s’aventurent jusqu’au sous-sol. Cela dit, j’ai quand même quelques habitués qui viennent remplir de rires et de discussions plus ou moins sérieuses cet espace d’habitude si calme.
C’est la joyeuse équipe du quatrième, je dois dire que je suis ravie que dans leur département aucune machine n’ait pas été prévue. Parait-il qu’ils produisent tellement de papiers et ont tellement de classeurs, j’ai cru comprendre qu’ils travaillent dans ce qu’on appelle, la comptabilité, et donc il n’y avait pas de place pour moi.
Il y aurait une machine à cet étage mais dans l’autre aile du bâtiment, un département appelé Achats. J’ai cru comprendre que dans ce local manquent tables et chaises.
Je soupçonne pour cette équipe du quatrième que c’est un plaisir que je suis installée dans une sorte de grotte ou ils peuvent prendre du bon temps, partager de la bonne humeur à l’abri des regards.
Christobaldina S.