Je suis un animal (Yasmina D.)
J’étais un animal errant, libre, fier et solitaire, je vivais au rythme de mes envies, je me faufilais dans le monde sans jamais vraiment lui appartenir et un jour par pure curiosité, j’ai suivi de mon pas lent et précis sans me presser, toute une jolie famille d’humain qui se baladait dans mon jardin-royaume, jusqu’à chez eux.
Je voulais comprendre ces drôles d’animaux sur deux pattes et apprendre leur façon de vivre tellement différente de la mienne… alors j’ai choisi cette maison, ce territoire, ces visages. Et c’est un choix que je renouvelle chaque jour.
Depuis, je ne vis pas chez eux, je les laisse vivre chez moi en croyant m’apprivoiser, alors que c’est moi qui les ai choisis. Je vis à ma manière, sans contrainte et je choisis les endroits où je dors, les moments où je mange, les personnes et les autres chats que j’accepte.
J’observe beaucoup, je parle peu même si je miaule souvent, mes silences en disent long, mais peu les comprennent. J’entends tout, je sens tout, je sais bien plus que je ne montre et je n’ai pas besoin de permissions pour exister.
Conquis, ils m’ont donné à boire ce truc tout blanc assez bon et à manger des petites boules toutes dures, qu’ils appellent croquettes et qui ma foi, ne sont pas trop mauvaises…mais rien de comparable à ce que je trouvais dans la nature…
Ah oui, ils m’ont aussi donné un nom bizarre auquel je dois réagir, mais je ne le fais que lorsque vraiment je ne peux pas faire autrement car j’aime leur faire plaisir de temps en temps… parfois, il me donne même un surnom étrange, tendre.
J’ai eu le droit également à plein de jouets avec lesquels je daigne me distraire mais cela ne vaut vraiment pas mes escapades dans leur beau et grand jardin où là je retrouve mes jeux favoris, courir après les oiseaux, les insectes, les papillons ou un rayon de soleil, sauter observer, grimper aux arbres, attraper des souris que je dépose respectueusement à leurs pieds alors qu’ils ne sont pas toujours reconnaissants ! et là, je fais ma loi dans mon nouveau territoire !
Il y a des rituels que j’aime. Le matin je m’étire longuement sur le canapé, profitant de la chaleur du soleil qui traverse la fenêtre après j’entends le bruit du pas familier dans le couloir. Le bruit des croquettes qui se répandent dans ma jolie gamelle et l’eau fraîche remplacée dans ma fontaine. Puis la main douce qui me cherche, qui me gratte doucement entre les oreilles, qui me frôle pour une caresse ou qui brosse en main, me coiffe pour me faire encore plus beau. Je fais mine de m’en agacer, mais en vrai, j’aime ça et là je sais me faire velours en appréciant cette attention matinale et je leur fais le plaisir de ronronner doucement pour les remercier et ils adorent ça.
Une fois par jour minimum aussi, je m’entraîne sportivement dans leur maison. J’aime les jeux soudains, les courses dans le couloir, les bonds fous pour attraper une ficelle imaginaire ou pas. Je redeviens un chaton, insouciant, joyeux. Ils appellent ça mes minutes de folie mais rien ne peut m’arrêter ! même s’il est vrai que dans mon enthousiasme débordant et nécessaire, il m’arrive de déplacer euh de casser quelques objets (inutiles à mon avis…) ce qui provoque quelques haussements de voix chez ma serveuse de repas, mais je sais qu’ils finiront bien par comprendre que c’est « juste » pour mieux m’accapare mon espace et délier mes muscles affutés ! Et puis je me calme, je retourne à mon calme, à mon coin préféré qui est souvent en haut de l’armoire ou de la bibliothèque, car la hauteur j’aime. Là je guette. Je veille. Je rêve. Je les observe avec curiosité, s’agiter, se parler, vivre quoi ! Oh je ne juge pas non non, j’écoute les yeux mi-clos et je deviens le gardien de tous leurs secrets. Je me suis aperçu que leurs langues se délient plus facilement lorsqu’ils s’allongent sur leur drôle de grande couchette, très agréable au demeurant, j’aime les siestes partagées, le silence qui n’a pas besoin de mots. Être tout contre leur cœur tranquille, leur corps chaud où laissant aller leurs doigts dans ma fourrure, ils me parlent et se confient en me faisant ressentir que je suis bien à ma place et qu’il m’aime
Je dors souvent aussi. C’est vrai. Oh ce n’est pas de la paresse, c’est de l’intelligence. Pendant qu’ils s’agitent, je me repose. Et quand la nuit tombe, je deviens autre. Je redeviens chasseur, silhouette discrète entre les ombres. Je redeviens moi-même.
Je suis un chat. J’ai choisi cette vie, cette maison, ces humains. Ils ne m’ont pas adopté : c’est moi qui les ai acceptés. Et chaque jour, je recommence. Je les aime comme un chat aime : discrètement, fidèlement, avec tout mon être.
Je suis un chat et dans cette famille, chaque jour est une aventure douce et réconfortante. Et je suis heureux.