De l'importance des silences (2)


Soudain, il y eût cet appel de détresse, puis un instant de silence, un court temps de réflexion, pour comprendre et prendre la décision de se précipiter, aller à vive allure, sans dire un mot vers le lieu présumé des faits. Le silence comme acte de résistance ou d'espoir.

Arrivé sur place, après avoir découvert ta voiture, il y eût les courts silences maladroits de suspicion culpabilisante des professionnels uniformés, Quel est son nom ? Depuis quand a-t-il disparu ? Comment était-il vêtu ? Qui êtes-vous ? Est-ce une fugue ? Une imprudence ? A-t-il laissé un message ? Quelque-chose ?

Les émotions me gagnent. Mon visage se fige. Mon estomac se noue. Ma respiration se bloque. Un nouveau silence.

Ensuite, il y eût le silence insupportable de la sidération, de l'abattement, celui qui vous fait basculer, de la supposition à la réalité, quand on apprend que c'est confirmé, l'impensable est arrivé.

Afin d'écarter les badauds et la famille du lieu du drame, un cordon de sécurité est rapidement mis en place par les militaires, pour bâillonner le site en faisant bloc. Sobrement.

Après quelques minutes qui ont semblé une éternité, ce silence a été déchiré par le vacarme assourdissant du rotor de l'appareil dans les falaises, près des rochers, par les cris, les pleurs et les larmes des parents, des intimes, des proches, des amis. La déchirure.

Au bord du précipice, mes larmes, mes pleurs et mes cris. Ma déchirure.

Courir, prendre ma famille à bras le corps pour les serrer très fort contre mon cœur, pour les protéger, pour les réchauffer, au crépuscule de cette terrible fin de journée automnale, la gorge serrée, le souffle coupé, silencieux.

Puis, vint le temps des autorités, des copains, du recueillement, durant lequel chaque mot est choisi, pesé, millimétré. La minute de silence, une éternité ... Tel un tsunami, la vague des souvenirs me submergent.

Plus tard, comme la force des émotions avait depuis longtemps dépassé la puissance des mots, il y a eu de longs silences de soutien, de respect, d'affection et d'amitié.

Enfin, les semaines et les mois suivants, il y eût d'immenses silences d'interrogation, de doute et de questionnement. Le départ prématuré d'un frère aîné, a-t-il été la principale cause de ce geste démesuré ? de ce choix ? de cette décision ? de ce pont ? de ce vide ? de ce silence.

Un ange passe.

M. les mots nous manquent pour exprimer la douleur de ton absence, le silence permet paraît-il de mieux prêter attention, nous nous n’avons pas su t'écouter et t'exprimer, avec force, notre Amour.