Lettre à mon cerveau

Lettre à mon cerveau ou à ce qu’il en reste…


Cher cerveau,

J’ai choisi comme devoirs de t’écrire une lettre. Je sens que ça ne va pas être simple.

En effet, si avant le grand bazar des chimios, j’avais déjà quelques problèmes avec ton

fonctionnement, que dire de ton état du moment ?

J’ai toujours eu de la peine avec la mémorisation des prénoms. Mais maintenant c’est juste

extrêmement gênant d’admettre que je ne me souviens pas du prénom des personnes que je côtoie

régulièrement au centre Otium. Je dois parfois avoir un air un peu ahuri et la personne qui est en

face de moi doit voir tes rouages se gripper et la honte m’envahir.

Tu pourrais faire un petit effort pour m’aider ! Je ne sais pas moi, trouve un truc pour ranger le

prénom avec l’image de la personne, que je puisse faire le lien sans souci.

Et puis cette manie, en pleine nuit, de répéter sans fin, un mot ou une phrase. Te rends-tu compte

qu’après cela, plus moyen de me rendormir ?

Ne parlons même pas de ce que tu retiens de mes lectures. Lorsque je veux résumer un article ou

parler d’un livre, impossible d’aligner des phrases sensées, il manque des mots ou alors ceux qui

sortent ne sont pas les bons. Quand tu as un bug, essaie au moins de me permettre de faire une

phrase d’explication qui tienne la route, ça m’évitera de me mettre dans des situations périlleuses.

Sans parler de mes achats de livres à double. Tu pourrais au moins te souvenir que je les ai déjà

achetés et également que je les ai déjà lus.

J’essaie de retenir les choses mais tu me compliques bien la vie.

Hier, un couple m’a demandé son chemin, je connaissais la réponse mais j’ai été incapable de donner

une explication claire et précise, j’étais vraiment désolée pour eux. Pareil pendant les vacances, je ne

compte pas le nombre de fois où tu m’as fait prendre le mauvais chemin.

Cette semaine, une fin de soirée sans alcool, j’ai été incapable de retrouver la caisse du parking dans

lequel j’avais mis mon véhicule. J’ai tourné, angoissée, un long moment dans le quartier, sachant

bien que j’étais sortie par-là. J’ai fini par descendre la rampe d’accès des véhicules, je me suis rendue

au 2 ème sous-sol au moyen de l’ascenseur pour vérifier que ma voiture était bien là (en face de

l’ascenseur, une ruse bien utile) et suis remontée au rez-de-chaussée en ascenseur pour valider mon

ticket. J’aimerais bien que tu m’évites ce genre d’événement stressant !

Mon petit-fils essaie de te faire travailler en utilisant des jeux de labyrinthes en 2 et 3D, c’est le

massacre ! Et les règles du jeu d’échec, n’en parlons même pas ! Si je gagne, c’est uniquement un

coup de bol.

Je partage facilement mes soucis et celui qui concerne ton fonctionnement aléatoire prend une place

prépondérante dans mes conversations. Mon seul réconfort est de réaliser que tous tes potes ont le

même problème. Ça me console un moment puis je me remets à maudire tes oublis et tes troubles.

Puis te proposer un pacte ?

On fait la paix !

Je continue à essayer de raviver les souvenirs que tu planques je ne sais où et je te libère des choses

inutiles. Chiche ?


Gabrielle