Lettre à mon cerveau
Bonsoir mon cerveau,
Comment vas-tu ce soir? Tu n’es pas trop fatigué?
Qu’est-ce que je pourrais faire pour que tu te reposes? Te faire moins gamberger, peut-être? moins imaginer des choses qui n’existent pas? Ou faire moins d’activités, de bénévolat, d’aides à droite à gauche, aux voisins, aux filles, à maman? Ou ne pas toujours vérifier derrière les autres qu’ils n’ont rien oublié, et si c’est le cas, les laisser avec leurs problèmes, et ne pas prendre la voiture pour leur apporter les clés, les papiers d’identité, que sais-je?
Oui je sais, je te sollicite beaucoup, et parfois tu me donnes des migraines pour te venger. Lorsque j’ai eu le cancer, tu m’as même fait des frayeurs à oublier des noms tout simples comme poireau, armoire. Je me suis dit, ça y est, j’ai Alzheimer. A moins de 60 ans, c’est pas malin, et il ne me manquait plus que ça. Mon oncologue m’a rassurée en me disant que c’était les effets des remèdes de cheval de la chimio administrée et que ça allait passer. En même temps, tu as dû avoir peur, tu ne savais pas ce qu’il adviendrait de toi, tu as peut-être même pensé que tu allais être la prochaine victime, après mon sein. Heureusement, tu es là, toujours là avec moi, avec quelques neurones en moins, mais je ne t’en veux pas, ni toi ni moi n’avons plus 15 ans, n’est-ce pas?
Mon souhait le plus profond serait de te laisser te reposer un peu, je voudrais être plus bienveillante avec toi. Je ne te laisse jamais beaucoup de répit, j’ai des applications de méditation sur mon iphone comme Petit Bambou, que je n'utilise jamais jusqu’au bout. Très rapidement, je te fais carburer de nouveau, ou je m’endors parce que je suis épuisée, et tu fais une sieste avec moi, tu es tout content, j’en suis sûre. Je sais pourtant que les méditations sont très bénéfiques pour ta santé mentale. Désolée pour mon manque de rigueur de ce côté là.
Nous sommes inséparables, tu le sais bien, et tu n’es que le résultat de mes chimères, de mes doutes, de mes questionnements. Je te pardonne donc d’être la cause de mes tourments, comme je te demande de me pardonner de te manipuler pour ensuite t’accuser de me fatiguer. Tu m’as comprise? moi non.
Bon, on va stopper là les prises de tête. Je te souhaite une bonne nuit, mon cerveau, et j’espère que notre coopération durera encore longtemps, puisque nous devons nous supporter l’un l’autre.