Dans la peau d'une enseignante
MES QUALITES EN TANT QU’ENSEIGNANTE HYPERSENSIBLE
En tant qu'enseignante hypersensible, j'avais toujours, me semble-t-il, une écoute attentive et bienveillante envers mes élèves, car je percevais facilement leurs émotions. J’étais même émerveillée lorsqu’un élève en 7 ème du cycle l’avait exprimé par écrit. Mais voilà, à cette époque, je ne savais pas que je faisais partie de ce groupe secret et j’en ignorais complètement tout à ce sujet.
Avec beaucoup de patience, je prenais le temps de comprendre les besoins individuels de chacun et je croyais comprendre et ressentir ce que mes étudiants vivaient, ainsi, pour la plupart, je parvenais à instaurer un climat de travail et de confiance.
Ma sensibilité accrue, mais totalement ignorée, me rendait très créative dans ma manière d'enseigner, au point que cela m’a desservie lorsque je faisais des études pédagogiques. Il y avait carrément deux camps d’inspecteurs, un me trouvait formidable et voulait me placer avec des étudiants au niveau supérieur et l’autre me reprochait de ne pas suivre les règles élémentaires. En fait, ma fibre d’artiste supplantait celle de l’artisan, ce qui dérangeait mes inspecteurs au point qu’ils m’ont fait faire trois ans d’études pédagogiques au lieu de deux pour avoir le certificat. (Mais c’est alors que j’ai rencontré mon futur mari.)
En fait, ma fibre d’artiste cherchait à me persuader que mon travail est unique et que chaque année ma créativité doit s’adapter aux étudiants, sans toujours suivre des règles précises. Alors que l’on me voulait plutôt l’artisan, qui met en avant le savoir-faire, avec son approche plus structurée, une maîtrise des techniques spécifiques pour fabriquer des élèves conformes.
Donc mon cheminement d’enseignante n’était pas vraiment facile, car je venais d’ailleurs et en tant que jeune enseignante il me fallait du temps, beaucoup de temps, des conseils et de l’expérience.
Grâce à mon intuition, je repérais les signes de détresse ou de difficulté, même les plus subtils. Par exemple j’ai décelé qu’un de mes élèves ne réagissait pas bien, et je lui ai demandé s’il n’était pas malentendant, à l’époque on disait simplement « sourd » ce qui m’a valu un beau bouquet de fleurs et des remerciements des parents qui se demandaient pourquoi personne ne s’inquiétait de leur enfant à l’école primaire.
La douceur était pour moi une qualité précieuse pour désamorcer les conflits et favoriser un environnement serein et pourtant, je n’étais pas toujours flexible, mais capable de m'adapter aux imprévus et aux humeurs changeantes de mes élèves. Être authentique était essentiel pour moi, j'exprimais mes émotions de manière sincère, ce qui encourageait mes élèves à faire de même. J'avais à cœur de les encourager, car je savais combien un mot de soutien pouvait faire du bien. Ma résilience m'aidait à gérer mes propres émotions sans me laisser submerger. Enfin, j'étais toujours prête à accueillir la diversité des personnalités et des besoins au sein de ma classe.
POURQUOI JE CONTINUE À ÊTRE ENSEIGNANTE…
Mais voilà, après 44 ans de vaillants services, est arrivé le temps de la retraite. Ce temps tant désiré avec les années de travail, où je me disais parfois que ce moment de repos serait enfin l’occasion de me recentrer, de faire ce que je désire DEPUIS TOUJOURS SANS EN AVOIR L’OCCASION car le temps me manquait : de peindre et de prendre soin de moi et des miens.
Être enseignante, c’est bien plus qu’un métier : c’est un engagement de chaque jour, une passion qui m'a façonnée. Pendant toutes ces années, j'ai beaucoup étudié, j'ai donné de mon temps, de mon énergie, et de mon cœur pour accompagner mes élèves dans leur découverte du monde. Il y a quelque chose de magique dans le regard d’un enfant, d’un adolescent ou d’un adulte qui comprend enfin, qui s’émerveille et qui prend confiance. Tamara, comment tu savais ce qu’il y aurait dans mon test de français ? M’a-t-on demandé plein de reconnaissance, un jour. C’est parce que c’est moi qui les préparait dans le temps,- était ma réponse.
Ce métier m’a permis d’être témoin de l’éveil intellectuel et humain de tant de jeunes esprits, et de jouer un rôle dans leur développement. Même les jours les plus difficiles, l'idée que je pouvais avoir un impact sur leur avenir m’a toujours motivée à donner le meilleur de moi-même. J'ai appris autant qu’eux, sinon plus, sur la résilience, la curiosité, et j’ai toujours beaucoup étudié car c’est ma nature.
Aujourd'hui, je me rends compte que la salle de classe, avec ses défis quotidiens ne me manque pas. La transmission des connaissances, le partage de valeurs, et l’échange d’idées font part intégrante de celle que je suis et je ne laisse pas cette vocation s’évanouir.
Dans ma vie quotidienne, la transmission et l'enseignement continuent d’animer chaque échange.
J'ai eu la joie de guider une amie de plus de 50 ans dans son apprentissage de l’écriture et du français, un projet qu’elle n’aurait peut-être jamais entrepris seule. Ensemble, nous avons partagé des heures de travail, d'encouragements, et d’efforts sincères. Petit à petit, sa confiance en elle a grandi, jusqu'à la réussite de son diplôme de français B2, une étape dont nous avons célébré chaque moment.
Mais son parcours ne s’est pas arrêté là : ce premier succès lui a donné l’élan d'aller plus loin. Inspirée, elle a ensuite entrepris des études en soins palliatifs, un domaine où elle a toujours pu aider et partager une bienveillance infinie avec ceux qui en ont le plus besoin. Sa réussite m'a montré que l’envie d’apprendre et de se dépasser ne connaît ni âge, ni limites. C'est pour moi un rappel précieux du pouvoir de la transmission, qui éclaire non seulement le parcours de l'autre, mais qui nourrit également et très profondément mon propre chemin.
TAMARA VEYRAT
7 NOVEMBRE 2024