Le téléphone portable



Le téléphone :


Elle m’énerve à me regarder tout le temps et à me tapoter. Elle m’énerve, je n’en peux plus. En plus, elle se permet aussi de me montrer son oreille pour me parler. Et elle n’attend même pas que je lui réponde ! Elle se contente des gargouillis de mon ventre pour répondre.

Ces gargouillis sont d’ailleurs une grande interrogation pour moi. Parfois, ils sont aigus, parfois ils sont graves, parfois rapides. Des fois, ils durent longtemps et quelquefois, ils la font rire et même pleurer ! J’aimerais bien ne pas avoir ces gargouillis, et j’aimerais surtout qu’elle m’écoute moi et pas mon ventre.

Pourtant, il y a un truc qu’elle me fait que j’aime bien. C’est quand elle remplit mon vide, mon trou avec son fil. Il me semble qu’elle l’appelle « ses écouteurs ». Peu importe comment elle l’appelle, moi j’aime ça. Et en plus, j’ai remarqué que je n’ai jamais de gargouillis quand elle m’a branché. C’est peut-être aussi pour ça que j’aime bien !


L'utilisatrice :


Mon cher téléphone, merci infiniment de t’être livré. Tu ne savais peut-être pas que je te lirais, mais sache en tout cas que je ressens beaucoup de gratitude d’avoir pu accéder à ton vécu de téléphone portable à mon service.

J’aimerais qu’on trouve un accord, un mode de fonctionnement toi et moi où chacun peut trouver son compte dans notre relation. Ainsi j’aimerais en savoir plus sur ce que tu vis.

Tu n’en peux plus !? Je t’énerve !? Est-ce qui je suis qui t’énerve ou le fait d’être utilisé tout le temps ? Est-ce le fait d’être tapoté qui est le plus dérangeant ? J’aimerais en savoir plus sur toi et comment je pourrais être avec toi pour que tu sois bien tout en remplissant ce pour quoi tu existes, ta raison de vivre. Alors parle-moi.

 

J’ai aussi noté que tu aimes quand je te branche. Je pourrais le faire plus souvent encore pour t’être agréable, mais tout n’est pas si clair. Est-ce sympa que je te branche avec mes écouteurs, tout simplement ? Ou est-ce parce que les gargouillis ne te dérangent plus ?

Je me permets, en passant, de t’informer que ce que tu nommes « tes gargouillis » sont en fait des gens comme moi qui me parlent à travers leur propre téléphone !

 

Je m’arrête ici, car j’ai mal à la main à force d’écrire. Je me réjouis qu’on se parle en vrai.

Et j’espère que ma lettre t’aura fait du bien. Se sentir considéré fait toujours du bien, si j’en crois ma propre expérience.

A très vite,

Ton utilisatrice


Florence