Comment le centre Otium m’a aidé sur mon chemin

Comment le centre Otium m’a aidé sur mon chemin

Je crois avoir été le second visiteur le jour de l’ouverture d’Otium, un samedi de juin, si je me souviens bien. J’avais été informé par mon oncologue aux Grangettes, qui avait eu des mots laudateurs pour l’initiative de l’ouverture de ce centre. Il m’avait donné envie de le découvrir.

J’avais rendez-vous pour faire de la voile en milieu de matinée (c’était important car c’était la marque du retour à ma normalité) et j’ai vite fait un saut avant à Otium. Linda saluait une dame, qui devait être la première visiteuse. Je ne suis pas resté longtemps – mais je suis revenu. Pourquoi ? J’étais en fin de traitement quand Otium a ouvert. Comme une météorite changeant d’orbite, j’aurais pu me remettre à graviter autour du quotidien des bien portants. Mais la maladie laisse une trace qui, si elle n’empêche pas la réinsertion, demande qu’on ne fasse pas semblant de l’ignorer. Pour moi, cette prise en compte a passé par un accroissement du temps que j’ai accordé à mon bien-être.

Chez Otium, j’ai découvert le yoga et la sensation de légèreté qu’il procure, le yoga du rire aussi qui nous allège de nos barrières psychiques. J’ai connu des femmes et des hommes malades, en rémission, guéris, ouverts et disponibles. J’ai entendu des récits énoncés sans pathos entendu des sanglots, partagé des moments intimes dans la conscience d’appartenir à une communeauté – je n’ose pas dire de destin, car je suis un chanceux dans la maladie.

Otium a été un pont entre ma vie de malade, à l’écart du fracas du monde, et ma vie d’après, avec la nécessité de retrouver un travail, avec le questionnement quant à dire ou taire la raison de ma perte d’emploi, avec les interrogations sur mon évolution médicale et la nécessité d’une oasis où faire étape. Otium m’a permis de conjuguer de manière harmonieuse ma double identité d’ex-patient oncologique, d’un côté, et de personne lambda, de l’autre ; le centre m’a donné un espace qui a permis à la première d’exister sans phagocyter ou interférer avec la seconde, sans interférer avec ma famille notamment. La vérité est que je me sens en grande dette envers Otium tant j’ai reçu alors que j’ai le sentiment d’avoir peu donné. Peut-être est-ce une fausse manière de voir les choses, peut-être ce sentiment est-il inévitable, peut-être est-il simplement le reflet d’un reste de morale pseudo-chrétienne, d’un fond de culpabilité freudienne, l’indice d’un syndrome sous-jacent de l’imposteur ? Peut-être ?

Mon chemin s’éloigne d’Otium au fur et à mesure que la période de maladie s’éloigne dans le temps. Mais Otium restera ce jardin dont l’ombre m’accompagnera aussi longtemps que le souvenir de la maladie sera présent.

Michel Chevallier