Je suis un homme - Patricia Treier


Ce matin je me réveille avec un questionnement étrange, quel âge aurai-je cette année. Il est vrai

que dans chacun de nous sommeille une part de féminité, une seconde part de tentation viriliste.

Mais lorsque je médite du pourquoi je discrimine, les femmes de la sorte. Je me trouve peu galant

envers la gente féminine. Une éducation d'une sévérité rigide peut-être ?

Alors que je me gratte le menton avec la gêne d’une barbe naissante. Pour quelle raison cette

incertitude, cet état d'esprit demeure en moi, une soudaine introspection...

Je me lève comme à mon habitude, mon appartement est le même qu'hier soir.

Dans la salle de bain, je pose un bref regard dans la glace. Je devine encore cette méprisable ride du

lion, ride inextricable qui me fait paraître plus mature que je ne suis en réalité, mais après tout ne

suis-je pas un gladiateur, le vaillant combattant de ma vie. Sous la douche, je me regarde de partout

en pensant à un vilain virus...

Mon côté androgyne est évident, je suis un homme mais rien ne me contrarie vraiment. Ce doute

pourtant est bien présent, persistant, il m’envahit souvent. Dans mon dressing habituel des

vêtements d’homme au goût certain, mes costumes bien alignés tels des soldats au garde à vous,

mes chaussures bien astiquées sont à ma pointure.

J’arrive au bureau et mes collaborateurs, me disent poliment “salut boss”. Je suis ravi que personne

ne me trouve étrange, pourtant je me sens bizarre dans ma robuste virilité. Dans une autre vie étais-

je une femme ? Au contraire depuis que nous nous sommes mis à travailler ensemble il m'est venu

toutes sortes d'idées, je perçois les choses autrement, comme les chuchotements de Dame nature

que j'ignorais avant. Comme des sensations nouvelles à des événements, des avertissements

personnels dont j'ai à dégager le sens dans cette soudaine et extrême sensibilité. Deviendrais-je un

sentimental épidermique...

Dans mon cas, je suis heureux ma réussite est éclatante, mon salaire plus élevé que celui des

femmes à diplôme égal. Ouf, j'ai eu si peur d'être une femme ! Mais alors pourquoi ressentir

d'intenses frustrations, des impressions morales.

Cependant, je suis un homme pour ma plus grande gloire et ce triomphe a du bon sens. Je ne veux

pas courber la tête sous ce joug violent de ma médiocrité machiste. Mon affirmation !

Toute figure emblématique, une part de mythe, pourtant un sentiment d'humanité me tyrannise, les

hommes sont-ils bien le sexe fort ? Me suis-je abîmé dans ma contemplation dégoulinante ?


Fondation Otium Meyrin - Patricia