Silence éloquent
Silence éloquent
Il est des silences qui en disent long, ce sont les silences éloquents.
- Dis-moi, tu me trompes ?
L’homme ou la femme, égalité oblige, ne disent mot.
- Est-ce toi qui a volé la pomme ?
Rouge de honte, l’enfant se tait.
- Pourquoi n’as-tu pas fait tes devoirs ?
L’élève sans excuse reste mutique.
Le paysage est grandiose, nous sommes muets d’admiration.
L’amour a été plus que satisfaisant pour les deux partenaires, inutile d’en parler.
Elle si belle que je ne trouve les mots pour le lui rappeler.
Elle me parle et je l’écoute, je consens puisque je ne dis mot.
Le repas doit être excellent, les bouches mastiquent, fermées.
L’outrage a fusé, les convives béats de stupeur n’en pensent pas moins.
- Ou étiez-vous cette fameuse nuit ?
L’avocat dit à son client qu’il est en droit de se taire.
La nuit tombe sur la campagne désertée des émanations sonores, la nuit s’habille de son
linceul, je dors et m’évade dans des rêves improbables où des personnages me parlent
sans le son.
Le chat me fixe et converse avec ses yeux, je sais ce qu’il veut, comme le chien qui bat de
la queue.
Je ne m’étendrai pas sur le cinéma muet de nos grands-parents qui nous en ont tellement
dit, comme dans les histoires sans paroles de ma jeunesse.
Si la parole est d’argent, le silence endort dit la maxime détournée, dans un discours ou
une lecture, il permet à l’orateur de respirer et à l’auditeur de se reposer.
Je reste coi par les multiples fonctions des pauses verbales, du verbe en vacances.
Et si parfois un silence peut-être assourdissant, il est très souvent révélateur et éloquent.
Jean-Jacques Steiner
18 avril 2024