Dans la peau de mon animal de compagnie - Fabienne Folch

J’ai rêvé que j’étais dans un grand champ. La maison des « hauts sur pattes qui caressent et nourrissent » était encore en vue, et la chaleur était écrasante. Je flanais tranquillement à l’aventure, sans but, quand soudain une ENORME souris apparut à ma vue perçante. Je m’aplatis le plus possible, comme je sais si bien le faire, pour passer inaperçue et me cacher de ce rongeur. Je la regardais trottiner bêtement, puis sans un bruit, j’avançais la patte droite d’un pas feutré, puis la  gauche, très discrètement. Je pris mon élan pour sauter sur ma proie lorsque…


je fus réveillée par des bisous sur ma tête. Ma maîtresse est en manque de caresses apparemment. Elle n’arrête pas de me tripoter. Ce n’est pas que je n’aime pas, mais elle n’a toujours pas compris que c’est moi qui décide quand et comment. Si je n’ai pas envie, je le lui fais assez vite comprendre en miaulant mon mécontentement. Elle se calme assez rapidement, elle a déjà été infectée par une de mes morsures pour la rappeler à l’ordre - elle a été une semaine sous antibiotiques -  alors elle me respecte.

Comme elle a fini par lâcher prise et va dans la salle de bain se préparer, ça ne me plait pas tant que ça de ne plus être au centre de son attention, alors je me poste devant elle pour qu’elle me regarde à nouveau. Elle me sourit (comme j’aime ce dernier mot). Et elle me tapote le haut du crâne. En fait elle sait maintenant ce que je veux. Je la guide vers notre petit lieu secret où elle cache des croquettes spéciales qui ont un goût fantastique et qu’elle me donne au compte-gouttes, l’ingrate!!  Vous ne connaissez pas?  Je ne donnerai pas le nom de la marque mais ça commence par Cat… ça commence bien, donc. Je conseille à tout bon chat qui se respecte de s’en faire offrir par ses maîtres. On devient vite addict. Je m’en lèche les babines rien que d’y penser. Bref ma maîtresse ouvre le paquet, sort quatre ou cinq croquettes et je me jette dessus comme une affamée. Vu mon grand âge, bientôt 15 ans, elle m’en donne un peu plus qu’avant, même si ce n’est pas suffisant. Pendant que je mange, elle me caresse et je ronronne. Elle adore!!

J’avoue que je n’ai pas beaucoup pratiqué le ronronnement dans ma jeunesse. Elle m’a recueillie à la SPA et pendant longtemps je me suis méfiée et j’ai eu peur d’être à nouveau abandonnée. En plus je suis noire, et vous connaissez les fausses rumeurs que l’on impute aux chats noirs: on porte malheur, on est des chats de sorcières, et j’en passe... Que des sornettes!  Alors qu’on est des chats comme les autres, on a faim, soif, besoin de sortir, d’être cajolés, de dormir. Ma maîtresse ne m’abandonnera jamais, et je l’ai compris depuis peu.

Après ces quelques moments de plaisir partagés prodigués par ma maîtresse, je retourne me reposer et me pelotonne contre l’oreiller de mon maître. J’aime son odeur masculine. J’ai droit à une dernière caresse, à un Bonne journée Indi à tout à l’heure, puis j’entends fermer la porte d’entrée. Je clos mes beaux yeux jaunes, et retournant à mes rêveries, me voici repartie au pays des souris géantes.

Fabienne Folch

8 février 2024