Le temps qui passe (2)

 Le temps qui passe


Le temps qui passe ne date pas d’aujourd’hui et d’ailleurs ne nous rajeunit guère.

« C’était mieux avant » disent certains. Avant quoi ? Parce que avant eux ils y en avaient

d’autres qui disaient aussi que c’était mieux avant. Ça peut remonter loin si l’on suit cette

théorie. Pour répondre à cette équation, peut-être faut-il se cantonner aux générations qui

peuplent aujourd’hui notre planète. C’était donc mieux avant, de notre temps, de celui où

nous étions déjà là bien sûr, de celui ou surtout nous étions beaucoup plus jeunes. L’idéal

serait d’avoir l’âge où « c’était mieux avant » avec l’expérience du « c’est pas si mal

aujourd’hui ». Hélas le temps qui passe ne s’embarrasse pas de nos futilités, de nos

regrets de jeunesse ou du mal vivre de nos plus vieux os. Depuis la nuit des temps, il

passe et continue même de passer pendant ces quelques lignes !

« Je gagne du temps » dira l’un, j’en perd dira un autre. Le premier chanceux arrive t-il à le

mettre de côté, peut-il l’économiser pour ses vieux jours ? Et le second, vivra t-il moins

longtemps puisqu’en chemin il a égaré une partie de son précieux pécule ?

Inexorablement, il passe. Quoique l’on fasse, qu’on le gagne, qu’on le perde, il passe.

Mais pas toujours à la même vitesse. Il est lent quand on attend du secours et s’écoule

beaucoup plus rapidement quand on rajoute une année à notre existence. Il est

interminable à l’arrêt de bus sous la pluie et semble éphémère à la fin d’une existence.

Pour simplifier il est trop long quand on s’ennuie et trop court quand on s’amuse.

Mais lui n’en a que faire de nos tourments et de nos pensées. Il est l’objet de rédactions,

de poésie, de chansons, de grands textes littéraires, on lui porte énormément d’égards, de

respect, on lui accorde même un peu de lui-même puisque l’on dit aussi « laissons du

temps au temps ».Même bon, béni ou notre allié, parfois on le recherche car il s’est enfui,

évaporé, perdu. Mais lui n’en a cure, il continue son petit bonhomme de chemin sans se

soucier de nos petits personnages et nous fera tous disparaître, par sa faute.

Néanmoins, le temps est nécessaire qu’il soit passé ou à venir. Il permet de partager,

d’aimer, de transmettre la vie, de vivre le temps qu’il nous octroiera.

Et tout cela sans nous obliger de l’aimer, lui, le temps qui passe.


Jean-Jacques Steiner

9 décembre 2023