Le destin existe-t-il?
Le destin existe-t-il ?
Inéluctablement, indéniablement.
Que l’on soit issu d’un milieu pauvre qui sait mieux que quiconque que chaque denier
compte et qu’il est important de scruter les actions « budget » des grandes enseignes pour
terminer le mois en ayant mangé presque tous les jours, que l’on soit d’un milieu modeste
qui a calculé avec rigueur le remboursement des traites du dernier prêt-relais pour s’offrir
le nouveau frigidaire inutile qui vous impose votre liste de course ou que l’on soit d’un
milieu aisé voire très riche qui se demande si la couleur blanche nacrée de la Rolls-Royce
Motor Cars est bien choisie, étant donné que leurs voisins ont choisi la même teinte pour
le costume de fée de leur petite dernière et que dans le garage ce coloris jure un peu à
côté du rouge vermillon de la rutilante Lamborghini, finalement, à terme, le même destin
nous condamne toutes et tous.
Il est des destins tout tracés dans les grandes familles d’héritiers quand la descendance
perpétue la tradition en faisant prospérer l’entreprise familiale où parfois on ne qualifie pas
de destinée, le mouton noir qui dilapide la fortune ancestrale.
Il est également des destins que l’on qualifie comme tels seulement à la fin d’une longue
existence au regard du chemin parcouru qui, parti de rien est arrivé à vivre ses rêves et
qui pourra exulter en citant Confucius : « Fais de ton rêve ton métier, ainsi jamais tu n’iras
travailler ».
Et quand un être cher nous quitte, brutalement, violemment, brusquement, jeune,
beaucoup trop jeune sans vraiment accomplir son destin, on le nomme tragique.
Mais j’ai vu un enfant des banlieues qui ne devenant pas un malfaiteur, est arrivé au
sommet de la gloire comme humoriste et acteur apprécié par les foules, j’ai vu un homme
très nantis qui aurait pu rester dans son cocon luxueux mais a préféré devenir un mécène
au service des grandes causes humaines, j’ai vu un petit berger de Provence récemment
disparu, devenir l’amour de tout un village mettant du soleil en plein hiver, j’ai vu une
femme faire « Face au vent », se battre et vaincre le crabe, j’ai vu enfin un chanteur
fringant qui au moment de son départ en me soutirant quelques larmes a fait chanter toute
la francophonie du Québec à la Belgique en passant par Genève.
Alors oui, le destin existe. Mais sa force ne réside t’elle pas dans son refus ?
Jean-jacques Steiner
4 décembre 2023