Dialogue avec mon journal intime - Tatiana Lacroix

Tatiana Lacroix octobre 2023


Je suis très fatiguée aujourd’hui. Je ne sais pas si je vais avoir la force de consigner

comme chaque jour mes réflexions dans mon journal.

Je décide d’aller me coucher directement sans me laver les dents.

Je m’endors.

Au milieu de la nuit, j’entends du bruit. J’allume la lumière.

Et je vois, au pied de mon lit, mon journal ! Debout, les mains à la taille me toisant

d’un air furieux.

- Que se passe-t-il ? Tu me fais faux bond ? Depuis 10 ans pas une fois je n’ai

eu à supporter ça !

- Ça quoi ?

- Et bien d’attendre ! Tu dois écrire tes pages

- J’étais bien trop fatiguée

- Raison de plus

- Non, j’en ai assez de remplir ces cahiers dont je ne sais plus quoi faire. J’en ai

une centaine à la cave et jamais je ne les relis. Ça suffit!

- Ah non, on ne peut pas arrêter comme ça. Que vais-je devenir ? Il me reste

encore 30 pages blanches, il faut me terminer !

- Mais pourquoi ? J’écris toujours la même chose !

- Ce n’est pas grave ! J’adore les répétitions.

- Ça ne me sert à rien

- Que tu crois ! Combien de fois t’es-tu sentie mieux, soulagée après t’être

épanchée sur mes feuilles blanches ? Combien de fois ta colère s’est

exprimée à en déchirer le papier et as-tu ainsi mis à l’extérieur ta rage ? Je

suis ton défouloir, ton psy, ton coach, ton confident ! Et tu me laisses tomber ?

- N’exagère pas ton importance !

- Quoi !!!! personne ne te connaît mieux que moi ! tu m’as confié des choses

que tu n’as jamais dites à personne et que tu ne diras sans doute jamais ! et

tu veux me laisser tomber, moi, le dépositaire de ton moi le plus profond ! moi

qui suis toujours là, fidèle, je ne juge pas, je supporte tout, les arrachage de

pages, les gommages intempestifs –j’en profite d’ailleurs pour te supplier de

cesser cette torture ! jette-moi cette gomme râpeuse par pitié- ton encre

dégoulinante, tes dessins étranges et tes gros mots !!!! sans parler des

taches de café et des miettes de tartine qui me démangent ensuite toute la

nuit !

Il continue à se plaindre et à argumenter encore un bon moment, je ne sais

plus quoi rétorquer et je n’ai qu’une envie, c’est de dormir !

Alors je le saisis et je l’ouvre.

J’écris alors furieusement :

« J’en ai marre de ce journal ! j’en ai marre de ce journal ! j’en ai marre de ce

journal ! " sur trois pages.

Je le repose par terre et il se tait, content et repu. Je me rendors paisiblement.