Pour quoi écrire ?
J'aime bien l'anglais. Eux, ils ont "Pourquoi" (what for) et "Why" (la cause). Le français est moins précis. Alors, pourquoi écrire? Si mon ne me le demande pas, j'ai des idées, mais à coucher sur le papier, c'est déjà moins évident. Écrire pour laisser une trace? Mais laquelle? Écrire pour vider la tête et obtenir une seconde mémoire. Écrire pour structurer ma pensée. Écrire pour me souvenir. Écrire pour communiquer, pour dire, pour expliquer, pour m'excuser aussi. Écrire pour respecter les recommandations de Segundo: "Pour réussir sa vie, un homme doit faire un enfant, planter un arbre et écrire un livre..." Écrire pour se dédouaner. Écrire pour le plaisir de la fiction, pour jouer au détective à l’envers. Écrire aussi pour changer de monde, pour oublier l’heure. Écrire pour stimuler, provoquer, semer des embûches, faire réfléchir. Écrire pour se faire plaisir, pour se parler à soi-même et tant mieux si ça plaît aux autres.
“Il faut écrire un livre, c’est une tombe !”, valable une fois le mot FIN enfin apposé. Écrire pour pouvoir dire en société non pas : "je suis ceci ou cela“, mais pouvoir annoncer: "je suis romancier, écrivain ou poète". C’est mieux pour séduire une femme. Écrire pour jouer avec les mots, tordre le cou à la question : "Pour quoi écrire?“ Langue, se venger des cours, vocabulaire, grammaire, conjugaison et j’en passe. Écrire pour transposer l’oral en écrit, s’obliger à consulter un dictionnaire ou devoir faire appel à quelqu’un : “Comment on écrit Beziau, s’il te plaît ?”
Écrire pour vérifier qu’en fait, on écrit pas un livre, mais un texte. Du temps du cunéiforme ou des carapaces de tortues, c’était pas un livre, mais un texte. Écrire pour accompagner un dessinateur, pour une BD ou un conte pour enfants. Écrire pour faire la part des choses, confronter les fantasmes et les souvenirs à une nouvelle réalité. Réalité probablement moins tranchée.
Franck Vasseur
2 novembre 2021